jeudi 21 avril 2016

"Heureux ceux qui croient sans avoir vu .... et entendu"

Chers jeunes,

Il est parfois difficile de garder la foi mais qu'en est il d'une personne sourde et aveugle ? Voici le témoignage d'une femme handicapée qui vit sa foi comme elle le peut :

- Êtes-vous aveugle et sourde de naissance ?
   Difficile à dire car personne ne sait vraiment si je suis née avec l'une ou l'autre ou les 2 déficiences ou pas du tout! A ma naissance, tout a paru normal. J'étais une petite fille très gaie et j'ai commencé à parler normalement. Et à 18 mois, brusquement, je me suis arrêtée de parler. Je suis devenue très triste, je me suis mise à l'écart des autres enfants. J'étais devenue solitaire.
Mes parents ont été très surpris et très angoissés. Le médecin ne savait quoi dire et pensait que j'avais les végétations, les oreillons ou toute autre maladie infantile. En plus, j'étais très observatrice, très attentive à tout ce qui se passait autour alors je donnais l'impression d'entendre ! Je suis restée muette durant 5 ans. Je n'étais plus la même pour mes parents! A 4 ans, l'institutrice a soupçonné un problème de vision suite à ma manière de tracer des traits (demandés horizontaux) mais dessinés verticalement! Là, découverte de la mauvaise vision : oeil gauche nulle et oeil droit 2 dizième.
Et à presque 6 ans, le docteur tapant dans ses mains derrière moi a diagnostiqué une surdité totale non appareillable mais opérable. J'ai donc été emmenée chez un ORL avec diagnostic différent puis à la célèbre clinique du Dr. Causse à Béziers. Surdité profonde avec possibilité d'appareillage auditif.
Mes parents habitaient dans le Jura à Lons-le-Saunier donc ils m'ont mise à Chambéry dans une école de sourds parlant la langue des signes! Je n'y étais pas heureuse et suis restée 6 mois. Mes parents sont partis à Paris pour que j'aille dans une école avec des malentendants. Et là, j'ai été appareillée puis j'ai commencé ma rééducation de langage oral! Cela a été le retour vers la gaieté, la joie de vive! Au début, je dessinais toujours tout en noir (maison, personnages, animaux, nature) et puis peu à peu, j'ai utilisé des couleurs vives. C'était une renaissance!
J'étais malvoyante d'un oeil jusqu'à 25 ans. Ça a commencé à baisser vers l'âge de 18 ans. L'audition est restée assez stable sauf que l'oreille gauche entend un peu moins (avec l'âge) ! J'ai maintenant 57 ans.

- Comment avez -vous accepté votre handicap ?
   Je l'ai toujours accepté avec quelques découragements ces dernières années, notamment depuis 2 ans.
Durant la période de mes 18 mois à 6 ans et demi, j'ai expliqué que mon comportement avait totalement changé. La tristesse qui avait fait place à la gaieté, le retrait, le repli. Ça, c'était quand j'étais toute petite. Après, ça a été.
   Une chose qui m'étonne toujours, c'est que mon père m'a dit lors de mes 18-22 ans que la nuit, je me levais et allais dans la SDB me regarder dans le miroir et il paraît que j'aurais dit : je ne me verrai plus jamais.
   C'est pour moi bizarre car je ne me suis jamais rappelée m'être levée comme ça la nuit. Dans la vie durant la journée, je n'avais pas de réactions de ce genre-là et ma gaieté était toujours présente.
Est-ce dans l'inconscient qu'il peut y avoir un problème ? Je l'ignore mais j'en suis convaincue car j'ai toujours bien accepté.
   Et quand je dis que depuis 2 ans, j'ai eu quelques découragements, c'est parce que je me rends compte que je suis différente des autres. Que je ne peux pas participer aux conversations. Et il y a des personnes qui n'acceptent pas forcément de m'écrire dans la main et ça fait toujours un peu mal.
Ce sont des moments qui m'arrivent quand je ne suis pas bien moralement. Mais ça m'arrive moins cette année par rapport à 2014 et 2015.

- Avez- vous toujours eu la foi ?
   C'est ma mère qui m'a transmis la foi. Elle était très croyante, avait une dévotion pour Marie notre maman! Ce n'était pas toujours évident à cause de ma surdité. Je ne savais pas tout.J'ai eu une période très difficile dans ma vie, période où j'ai perdu la foi peu à peu en 2013 et 2014. Mais ma foi n'était pas tout à fait éteinte ! J'ai eu la volonté de la retrouver, de la faire revenir ! Au fond, Jésus veillait quelque part !
La foi m'aide beaucoup !  Même aux plus mauvais moments, elle m'aide. Je voulais m'y accrocher!

- Comment avez-vous fait vos sacrements (baptême, communion…) ?
Pour mon baptême, ca s'est passé à l'hopital, j'avais seulement 8 jours. J'ignore pourquoi ca s'est fait ainsi.
   J'ai fait ma première communion dans la banlieue parisienne à Plessis-Robinson. A l'époque je voyais encore avec mon oeil droit (2 dizièmes). J'ai fait le catéchisme avec une dame de la paroisse. Je n'ai pas beaucoup de souvenirs. A l'époque, je comprenais mieux que maintenant et comme je voyais un peu, je m'aidais de ma vue pour suivre. Une bonne préparation était nécessaire.
   Un souvenir très marquant concernant le catéchisme est celui d'une famille juive habitant l'immeuble à côté du nôtre. Les parents étaient des amis. J'aimais beaucoup la maman car quand j'avais fini mes cours de catéchisme, j'allais toujours la voir et elle me posait des questions en regardant mon cahier. C'était une femme formidable, ouverte, tolérante et cela m'a beaucoup marqué. Elle est décédée. Je la porte toujours dans mon coeur. Ses 4 enfants aussi étaient très gentils. Je ne parviens plus à contacter l'une des filles malheureusement.

- Que ressentez-vous pendant la messe ? Comment la vivez-vous ?
   Je ressens la joie d'être dans la maison du Seigneur et ces derniers temps, depuis que j'ai repris le chemin des messes (voici 1 an), je ressens parfois de l'émotion au point que quelques larmes coulent. Pour moi, le fait d'être à l'église m'imprègne de la présence de Jésus même si à la maison, il faut essayer mais c'est différent. L'Eglise est un lieu particulier, différent de la maison, un lieu où l'on va à la rencontre de Dieu, pour écouter sa parole.
Même si je n'entends pas. J'entends les voix, les chants, la musique. Parfois, j'hésite quand j'ai un souci pour distinguer ce qui se passe.
   Pendant plusieurs années, à Mennecy, j'ai eu la joie d'aller dire au micro une des 2 premières lectures, souvent la 2ème. C'est Géraldine, la jeune femme de Mennecy qui nous conduisait à la messe au début qui en a eu l'idée. J'avais beaucoup le trac mais après, ça allait mieux. J'étais contente de dire la Parole pour l'assistance, de servir Dieu en quelque sorte. Ça a duré jusqu'en juillet 2012 juste avant notre départ pour la Gironde.

- Entendez-vous l'homélie du Père et les prières universelles et eucharistiques ?
   Hélas, non! J'entends la voix mais je ne peux pas saisir les mots. Je suis trop malentendante. Une amie de Marseille, qui est aussi atteinte de surdicécité ainsi que d'autres handicaps, m'envoie les homélies par mail. Ce sont des homélies qu'elle trouve sur Internet sur des sites catholiques.
   Je dispose de missels en braille à raison d'une messe par brochure. C'est resté en Gironde mais j'ai le contenu aussi sur l'ordinateur et je les mets sur mon bloc-note braille.
Il y a l'antienne d'ouverture, la prière, la prière sur les offrandes, l'antienne des offrandes, la prière après la communion, les 2 lectures plus l'évangile avec l'acclamation, le psaume après la 1ère lecture, et ceci par année (A B et C).
   Pour certaines messes importantes, comme la Nativité du Seigneur, les Rameaux, La résurrection, il y a des prières supplémentaires et certains chants.
   Le reste, prières bien connues comme le Gloria, le Credo, le Notre Père, Je vous salue Marie, je les connais par coeur, ainsi que des petits chants comme le Sanctus, Agneau de Dieu... Et certains rituels importants mais sinon, il y a des choses que je connais très mal à cause de ma surdité.

- Avez -vous déjà participé à des événements comme les JMJ ? 
   Non, jamais. C'est très difficile quand on ne voit pas et n'entend pas. J'ai déjà participé à des Maria Polis (organisés par le mouvement des Focolaris) je ne sais pas si vous connaissez. C'est un mouvement marial. Ces Maria Polis, c'étaient des séjours d'environ 6 jours en groupes avec des moments de prières, de chants. C'était difficile de suivre.
   J'ai participé à des groupes de Parole de Vie durant une dizaine d'années.
   J'ai été en pèlerinage à Rome en 1988 en groupe de sourdaveugles, j'y étais avec ma maman, ma belle-mère, mon mari. Nous avons reçu la bénédiction du Pape Saint Jean-Paul II.

- Est ce que vous vous confessez ?  Si oui comment cela se passe ?
Euh, c'est très difficile! Autrefois, je me confessais mais ce n'est pas évident car les prêtres sont pris de court pour communiquer avec moi.
Je me suis confessée 1 fois en 2011 et j'ai été gênée car à Mennecy (Essonne) le prêtre m'a prise dans l'Eglise au milieu des bancs et non pas dans un cenfessionnal ! Alors avec les gens aux alentours, il ne pouvait pas parler fort et je n'ai rien compris. J'ai fait avec ce que j'ai pu!
J'essaye de trouver une solution.

- Comment priez-vous ?
Je prie en faisant le Notre Père et le Je vous Salue mais avant, je confie mes demandes que ce soient pour moi, ou pour les problèmes dans le monde ou pour d'autres personnes. 
Et parfois dans la journée, je fais une courte prière pour confier telle ou telle situation, ou drame dans la vie ou autre.
Par contre, je ne sais pas bien, et ne pratique pas le Chapelet. Et encore moins le Rosaire que je ne connais pas du tout.
Donc c'est relativement simple.
Quand frère Claude vient me voir, au moment de repartir, nous prions ensemble au nom de Jésus présent parmi nous.

- Si vous souhaitez rajouter d'autres choses allez-y !
   Mon père n'était pas croyant. Il a été baptisé mais n'a jamais fait sa communion. Mais il était ouvert et tolérant concernant le choix de religion de chacun. Nous avons été à la communion d'un garçon juif dont les parents étaient des amis (je citais plus haut), ça s'est passé dans une synagogue.
   C'est pour moi une importance capitale d'être ouvert aux autres même s'ils n'ont pas la même religion. C'est si beau de se tolérer, de s'entraider ! Il n'y a jamais eu de disputes en religion avec cette famille!
   J'ai eu au lycée 2 camarades juifs, nous n'étions que 3. J'ai eu un professeur d'informatique musulman au travail. Il était formidable, j'avais beaucoup d'estime pour lui et malheureusement, il est décédé à 40 ans ! Il était très gentil, très compréhensif, très patient.
   Ma foi, je la dois à ma mère qui était très croyante.
   J'oubliais : j'ai été plusieurs fois à Lourdes ! Et une année, j'ai eu une immense joie empreinte d'émotion lors de processions aux flambeaux. J'ai chanté l'Ave Maria ! C'était si facile de chanter en même temps que tout le monde en répétant 3 fois de suite. J'ai ressenti aussi cela une fois à Notre Dame de la Salette dans les Alpes.
   Je ne peux pas chanter car je n'arrive pas à caler les paroles en même temps, donc je fais du... play back!
  J'essaye de vivre ma foi avec ce que je peux !

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